Il fait beau, il fait chaud. Les teints sont hâlés et les cheveux salés. Mais si durant la saison estivale, les tenues sont légères, hors de question de faire de même avec les règles de protection sexuelle ! Devant la recrudescence des infections à chlamydia et gonocoque chez les jeunes, l’Association Française d’Urologie appelle à rester vigilant face à ces infections sexuellement transmissibles.
Avec le concours du Docteur Maxime Vallée, urologue et CHU de Poitiers et membre du comité d’infectiologie de l’AFU
Hausse des comportements à risque et recrudescence des IST
« Le développement du « safe sex » à la suite de l’épidémie de Sida avait permis de faire chuter la fréquence des infections sexuellement transmissibles (IST) », contextualise le Docteur Vallée.
« Les efforts de prévention faits dans les années 90 et 2000 sont en train de s’essouffler avec une nouvelle génération moins inquiète vis-à-vis des IST que ne l’étaient les générations qui ont grandi à une époque où aucune thérapeutique ne permettait de traiter le VIH. Ce sentiment de sécurité et la diminution des campagnes de prévention sont probablement à l’origine d’une recrudescence de l’ensemble des IST, qui flambent chez les jeunes et notamment dans certaines populations comme les homosexuels ou bisexuels masculins », complète-t-il.
Parmi ces infections, la gonorrhée (ou gonocoque ou blennoragie) et la chlamydia sont les plus fréquentes. Le gonocoque est augmentation depuis quelques années, aussi bien chez les homosexuels que chez les hétérosexuels.
En chiffres
Entre 2013 et 2015, le nombre de gonorrhées a augmenté d’environ :
Sur la même période,le nombre d’infections à chlamydia déclarées a crû de 10 % (+19 % chez les hommes versus 8 % chez les femmes).[1]
La tranche des 15-24 ans est la plus fréquemment touchée par les infections à chlamydia[2].
La raison principale de cette augmentation : les comportements à risque. L’utilisation du préservatif est en chute libre chez les plus jeunesmalgré les différentes campagnes qui se sont succédé. En été d’autant plus, la vigilance est parfois laissée de côté et les risques de contracter une IST sont donc accrus. Un seul mot d’ordre pour ne pas faire rimer plaisir et blêmir : se protéger !
« Le préservatif (masculin ou féminin) est en effet à ce jour la seule prévention possible contre ces infections », martèle le Dr Vallée.
Des infections parfois sans symptôme
Des brûlures intolérables à la miction, du pus qui s’écoule à l’extrémité de la verge : c’est le tableau classique de la « chaude-pisse » (qui est le plus souvent due au gonocoque ou au chlamydia) chez l’homme.
Bien que dans 10 % des cas, l’homme infecté soit porteur sain, pour les autres, les signes se manifestent en général dans les 2 à 7 jours qui suivent le rapport à risque. « En consultation hospitalière, nous voyons surtout des IST compliquées, des patients qui consultent en urgence tant leur douleur est intense ou le syndrome infectieux marqué», constate le Dr Vallée. Ne pas attendre pour parler de ses douleurs à son médecin permet d’éviter cette situation.
L’urètre et l’épididyme sont les deux localisations privilégiées de ces bactéries. « Les prostatites sont bien plus rares, voire exceptionnelles. Les signes ressemblent à la cystite, avec des envies fréquentes d’uriner, des brûlures mictionnelles, des difficultés à la miction et un retentissement systémique avec de la fièvre et une fatigue importante. »
Chez la femme, l’infection à gonocoque est plus silencieuse. « Elle peut entraîner des cervicites (inflammation du col utérin), des leucorrhées parfois purulentes, une pesanteur pelvienne et plus rarement une urétrite et des brûlures mictionnelles… », explique le Dr Vallée. Mais bien souvent, la patiente ne présente que peu ou pas de symptômes. Elle est donc susceptible de transmettre l’infection sans le savoir.
Les manifestations sont assez proches pour les infections à chlamydia. « Mais la chlamydiose est asymptomatique dans 50 à 90 % des cas. On la découvre au hasard d’un examen gynécologique ou lors d’une manifestation clinique chez l’homme qui incite à réaliser un dépistage. Même en cas de symptômes, ceux-ci sont souvent peu spécifiques et il y a souvent un retard diagnostic », explique le Dr Vallée.
Les infections génitales hautes seraient responsables des 2/3 des stérilités tubaires (altération ou obstruction des trompes de Fallope) et d’1/3 des grossesses extra-utérines[3]. Elles représentent donc un véritable enjeu de santé publique. La gonorrhée peut quant à elle déboucher sur des atteintes articulaires, cardiaques ou méningées qui sont le reflet d’une une infection systémique et peuvent parfois être mortelles.
Nouvelles pratiques, nouvelles localisations
Classiquement les IST touchaient la zone uro-génitale. L’évolution des pratiques sexuelles a conduit à l’apparition de nouvelles localisations. Lorsqu’elles touchent l’anus ou le rectum, elles peuvent alors entraîner un prurit anal, accompagné éventuellement de pus, parfois de diarrhée, de saignements et de douleurs à l’exonération. Dans le cas d’une gonococcie, les médecins observent également des oropharyngites et de façon plus exceptionnelle, des conjonctivites (conséquence du manuportage).
Les antibiotiques, traitement de référence
Si le mal est fait et que l’IST a déjà été contractée, après confirmation du diagnostic (généralement avec un test urinaire, voire un prélèvement), une antibiothérapie est généralement efficace.
« En général l’infection guérit dans les 48 à 72 h. On recommande un contrôle clinique et bactériologique à 7 jours et des rapports protégés en attendant la confirmation de la guérison. Mais en général, quand les patients viennent d’avoir une urétrite, ils sont un peu plus prudents ! », explique le Dr Vallée.
De plus en plus d’IST sont résistantes aux antibiotiques. Selon l’OMS, « La résistance aux médicaments, en particulier ceux contre la gonorrhée, est une menace majeure pour la réduction de l’impact des IST dans le monde »[4]. L’émergence de bactéries résistantes aux antibiotiquespeut conduire à revoir le patient plus tôt en cas d’échec pour mettre en place un second traitement avec un antibiotique adapté.
En conclusion, « En vacances, j’oublie tout », dit la chanson… Tout, sauf le préservatif !
[1]En 2016, l’enquête LaboIST a estimé à 267 097 le nombre d’infections à chlamydia diagnostiquées en France et à 49 628 le nombre d’infections à gonocoque. http://paca.lecrips.net/spip.php?article520et http://invs.santepubliquefrance.fr/Publications-et-outils/Rapports-et-syntheses/Maladies-infectieuses/2018/Estimations-nationales-et-regionales-du-nombre-de-diagnostics-d-infections-a-Chlamydia-et-a-gonocoque-en-France-en-2016
[2]http://inpes.santepubliquefrance.fr/70000/cp/14/cp140702-ados-preservatifs.asp
[3]http://www.infectiologie.com/UserFiles/File/medias/JNI/JNI12/2012-JNI-Chlamydiae_grossesse-muhlstein.pdf
[4]https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/sexually-transmitted-infections-(stis)
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À propos de l’AFU
L’Association Française d’Urologie est une société savante représentant plus de 90 % des urologues exerçant en France (soit 1 133 médecins). Médecin et chirurgien, l’urologue prend en charge l’ensemble des pathologies touchant l’appareil urinaire de la femme et de l’homme (cancérologie, incontinence urinaire, troubles mictionnels, calculs urinaires, insuffisance rénale et greffe), ainsi que celles touchant l’appareil génital de l’homme. L’AFU est un acteur de la recherche et de l’évaluation en urologie. Elle diffuse les bonnes pratiques aux urologues afin d’apporter les meilleurs soins aux patients, notamment via son site internet urofrance.org et un site dédié aux patients urologie-sante.fr
A propos de l'auteur
Laurent Mignon
De la défense des vignobles français sur les marchés export à la e-santé, en passant par la différenciation des molécules et la valorisation de la recherche médicale et biomédicale ou la mise en perspective de l’esprit scientifique et l’image des entreprises et de leurs porte-parole, un seul but : créer du lien entre les acteurs d’un même domaine. Sa méthode : « l’immersion ». Comprendre les enjeux, apporter de nouvelles idées et méthodes, être créatif mais aussi savoir dire non et aiguiller sur d’autres approches font son quotidien.