Avec le Dr Antoine Faix, chirurgien urologue, Responsable du Comité d’Andrologie et de Médecine Sexuelle de l’AFU (Association Française d’Urologie)
Méconnue, la maladie de Lapeyronie se révèle beaucoup plus fréquente qu’on ne le croyait. Elle peut obérer de façon majeure la sexualité des hommes qui en sont atteints. Le premier traitement de cette maladie devrait être disponible en France à partir d’octobre. Le point sur cette pathologie lors des Journées d’Andrologie et de Médecine Sexuelle organisées par l’AFU la semaine dernière.
Du jour au lendemain…
C’était un matin de 2010, Jean se réveille avec une érection douloureuse. Au fil des mois, la verge se courbe, ce qui rend les relations sexuelles de plus en plus difficiles (Son témoignage est disponible sur le blog, www.maladie-de-lapeyronie.info). Le diagnostic est clair, il s ‘agit d’une maladie de Lapeyronie. Cette pathologie, décrite pour la première fois à la fin du XVIIIème siècle par François de Lapeyronie, chirurgien du roi, se caractérise principalement par 3 symptômes : la douleur, les déformations de la verge et les troubles érectiles. La maladie est en général d’apparition progressive mais elle peut aussi se déclarer du jour au lendemain.
Les trois symptômes ne sont ni systématiques, ni forcément associés. « La douleur est présente dans 2 cas sur 3 environ précise le Dr Antoine Faix, chirurgien urologue. Ces douleurs sont très variables. Elles peuvent survenir uniquement lors des érections, de temps en temps, ou seulement pendant les rapports. Chez certains hommes la douleur se maintient même lorsque la verge est flaccide« .
La maladie de Lapeyronie entraîne des répercussions sexuelles sévères pour le patient.
Les mécanismes en cause
L’origine de la maladie est mal connue. Aussi la prévention en est-elle difficile. Mais les mécanismes qui se succèdent depuis l’apparition de la douleur jusqu’à la déformation sont en revanche bien élucidés.
La maladie est une fibrose de l’enveloppe du corps caverneux, probablement consécutive à des microtraumatismes de la verge survenus lors de rapports sexuels, ou lors d’autres activités. Au premier stade, c’est souvent la douleur qui prédomine. Sauf exception, cette douleur disparaît en 6 à 8 mois car au fur et à mesure que la fibrose s’installe, la maladie inflammatoire qui en est la cause, s’éteint. La fibrose amène certaines zones de la verge à perdre leur élasticité, d’où les déformations de cette dernière. « La déformation est habituellement dorsale, c’est-à-dire que la verge en érection se recourbe vers le ventre. Mais elle peut aussi être latérale, ventrale, ou mixte… voire dans certains cas présenter un étranglement et une forme en sablier. Enfin la déformation peut se manifester uniquement par un raccourcissement du pénis. »
La dysfonction érectile qui accompagne la maladie a plusieurs causes.
– mécanique : la perte d’élasticité des tissus et la moindre vascularisation des zones fibrosées altèrent le système qui bloque naturellement le sang dans la verge lors de l’érection.
– sensorielle et psychologique : la douleur lors des rapports et la courbure du sexe entraînent une perte de libido et sont susceptibles de faire naître chez l’homme des complexes vis-à-vis de ce pénis tordu.
Le diabète, l’existence d’une maladie de Dupuytren ou de Ledderhose, sont des facteurs favorisants.
La palpation plus efficace que l’imagerie
Le diagnostic de la maladie de Lapeyronie est simple : il repose sur la palpation de la verge. « C’est l’examen le plus fiable et le plus sensible. Même une IRM très pointue peut passer à côté du diagnostic » estime le Dr Faix. Les autres examens (échographie…) ne repèrent pas de manière convaincante la maladie. Conseil : faire des photos de sa verge en érection pour les montrer à l’urologue.
Les pièges
Parfois la déformation se manifeste uniquement par un raccourcissement de la verge. Seule la palpation de celle-ci permet de sentir les plaques fibreuses. Il peut ne pas y avoir de déformation mais seulement des problèmes d’érection. Toute dysfonction érectile doit amener à rechercher une maladie de Lapeyronie.
Une approche additive
La prise en charge sera différente selon le stade auquel la maladie est diagnostiquée, c’est-à-dire avant ou après que la déformation ne soit fixée.
Dans la première année, quand la maladie est évolutive aucun traitement médical per os ne semble capable d’arrêter le développement des plaques. Une amélioration légère ou une stabilisation ont pu être observées avec des médicaments comme la Pentoxifylline (vasodilatateur prescrit pour l’artérite des membres inférieurs). Les autres traitements comme la vitamine E n’ont pas prouvé leur efficacité.
De nombreux traitements locaux ont été proposés comme les injections de corticoïdes dans la plaque fibreuse ou celles de verapamil (antagoniste calcique utilisé en cardiologie). Ces traitements peuvent apporter un certain bénéfice en matière de douleur ou pour lutter contre la fibrose mais ils n’ont pas d’AMM pour la maladie de Lapeyronie. Disponible aux Etats-Unis mais assez peu en France, l’interféron est aussi utilisé dans cette indication.
Des tractions de la verge sont également possibles. Le traitement n’est pas très en vogue en France bien que l’on rapporte 60 % d’amélioration. Cette prise en charge, impose de porter pendant 3 heures, sur une durée d’au moins 6 mois, un extenseur pénien. Aucun effet secondaire n’est observé mais le traitement est perçu comme peu confortable. Enfin l’iontophorèse est parfois préconisée : elle consiste à faire passer, au moyen d’un courant électrique à bas ampérage, des substances qui vont diffuser dans la zone fibreuse. L’efficacité semble réduite. Tout comme le recours aux ultrasons, même si cela peut aider à stabiliser la situation et le handicap.
« Compte tenu de l’efficacité modeste de toutes ces approches, la tendance consiste à adopter une stratégie additive, c’est-à-dire à associer plusieurs traitements simultanément« . précise l’urologue.
Quand la maladie a terminé son évolution (18 mois à 2 ans) et que la déformation est fixée, le recours à la chirurgie peut s’imposer. Différentes interventions existent selon le type de déformation et les symptômes associés.
Les chiffres
3 à 9 % des hommes seront touchés un jour ou l’autre par une maladie de Lapeyronie. Certaines formes sont tellement minimes que les patients ne s’en aperçoivent pas.
5 à 10 % des personnes souffrant d’une maladie de Lapeyronie sont atteintes par une forme entraînant des déformations ou des gênes importantes.
La moyenne d’âge d’apparition tourne autour de 53-55 ans mais la maladie peut survenir à tout âge, de l’adolescence jusqu’à la fin de vie.
2 / 3 des patients sont améliorés par le Xiapex, nouveau traitement de la maladie de Lapeyronie.
15 à 20 degrés de courbure peuvent être gagnés par ce nouveau traitement.
Enfin un traitement !
A partir d’octobre le XIAPEX devrait être disponible en France. Sorti aux Etats-Unis en décembre 2013, et doté d’une AMM européenne depuis décembre 2015, le XIAPEX est une collagénase, une enzyme capable de casser la structure du collagène. Ce médicament s’injecte directement dans la plaque où il va dissoudre les fibres de collagène.
Le XIAPEX sera le premier médicament doté d’une AMM pour la maladie de Lapeyronie, et ce, à tous les stades d’évolution de celle-ci : avant que la courbure soit fixée, ou après. Il est également proposé avec une AMM pour la maladie de Dupuytren. Le traitement se déroule à raison de 2 injections à deux ou trois jours d’intervalle. Selon l’importance de la fibrose on peut réaliser un à 4 cycles à 3 mois d’écart, soit entre 2 et 8 injections au total. Les effets secondaires sont modérés (hématomes et gonflements locaux essentiellement) et transitoires. L’efficacité est dûment documentée. En moyenne les symptômes des deux tiers des patients sont améliorés et la réduction de courbure est de l’ordre de 15 à 20 degrés. Ainsi, pour une partie des patients, le Xiapex permet d’éviter le recours à la chirurgie. Pour les autres, le redressement partiel de la verge autorise une chirurgie plus simple et laisse espérer moins de risques de complications. Le XIAPEX n’est pas remboursé pour l’instant.
Outre ce traitement, des recherches sont en cours sur les injections de plasma humain. L’injection de PRP (Plasma Riche en Plaquettes) enrichi en acide hyaluronique pourrait avoir une efficacité sur la maladie. Un protocole de recherche, piloté par le Comité d’Andrologie et de Médecine Sexuelle de l’AFU, va commencer d’ici quelques mois pour valider cette option thérapeutique. L’étude sera menée conjointement avec un centre britannique et un centre canadien.
A propos des JAMS (Journées d’Andrologie et de Médecine Sexuelle)
Réunissant 80 participants, ces rencontres annuelles mettent l’accent sur les actualités en andrologie et médecine sexuelle, et sont organisées à l’initiative de l’AFU. Elles ont eu lieu cette année à Paris les 9 et 10 septembre.
À propos de l’AFU
L’Association Française d’Urologie est une société savante représentant plus de 90% des urologues exerçant en France (soit 1 133 médecins). Médecin et chirurgien, l’urologue prend en charge l’ensemble des pathologies touchant l’appareil urinaire de la femme et de l’homme (cancérologie, incontinence urinaire, troubles mictionnels, calculs urinaires, insuffisance rénale et greffe), ainsi que celles touchant l’appareil génital de l’homme. L’AFU est un acteur de la recherche et de l’évaluation en urologie. Elle diffuse les bonnes pratiques aux urologues afin d’apporter les meilleurs soins aux patients, notamment via son site internet urofrance.org.
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A propos de l'auteur
Emmanuelle Klein
Surfant sur le petit monde des relations presse depuis plus de 20 ans, c’est en poussant les portes des rédactions des médias chauds qu’elle s’est forgée son expertise. Gastronomie, sport, recherche fondamentale peu importe le flacon… elle a compris que les contraintes des médias étaient les siennes et aime particulièrement relever des défis de n’importe quelle nouvelle interrogation.