Les professionnels de santé aiment leur métier. Pourtant, ils sont à bout. Quelle est l’intensité de leur souffrance ? Le 1er baromètre sur le moral des professionnels et étudiants en santé donne des indications.
Sur le thème « Et vous, qui prend soin de vous », le sondage était articulé autour de neuf questions principales permettant de révéler le ressenti des répondants. Leurs réponses sont lourdes d’enseignement, puisqu’elles mettent en évidence que l’ensemble des professionnels de santé et les étudiants en santé souffre d’une lourde et durable baisse de moral.
Un malaise global
Si au score moral global des professionnels de santé et étudiants en santé, les étudiants obtiennent une moyenne de 43,20 sur 100, chez les professionnels en exercice, le score est encore plus bas avec un résultat de 41,00 / 100.
L’analyse inter-professionnelle et par région permet de constater que, si les résultats varient légèrement d’un métier à l’autre ou du Nord au Sud de la France, il n’y a, pour autant, que peu de disparités et la tendance générale est largement confirmée : c’est l’ensemble du monde de la santé qui broie du noir et s’enfonce dans la déprime, voire la dépression.
Un épuisement généralisé aux sources multiples
Métier vocation, si 80 % affirment aimer leur profession, seulement 20 % jugent leurs conditions de travail au moins satisfaisantes (41 % les trouvent insatisfaisantes dont 15 % « très insatisfaisantes », s’ajoutent les 39 % qui les jugent peu satisfaisantes).
Parmi les raisons invoquées, la masse et l’organisation du travail sont principalement mises en cause, devant le manque de reconnaissance et le comportement des patients (même si 87 % d’entre eux ont déjà fait face à un patient violent).
Ainsi, le rythme de travail impacte toutes les sphères de la vie : 72 % des professionnels de santé estiment que leur vie familiale est impactée, presqu’au même titre que leur vie sociale (71 %). Les performances professionnelles elles-mêmes sont affectées selon 53 % des répondants.
Au final, 100 % d’entre eux ressentent un épuisement soit moral (22 %), soit physique (13 %), soit les deux (64 %) tandis que 47% des répondants font ou ont déjà fait l’expérience d’un burn-out.
Une société qui n’entend pas
Face à l’épuisement et aux conditions difficiles, les professionnels de santé sont-ils entendus ? Il ne leur semble pas. Ainsi, à la question « estimez-vous votre travail reconnu à sa juste valeur ? », 96 % des participants répondent non (pas du tout pour 57 % d’entre eux).
De quoi se sentir seuls et incompris. C’est d’ailleurs un constant sans appel qu’ils opposent à la question « pensez-vous que la société est consciente de vos difficultés actuelles ? » : « pas du tout, nous sommes livrés à nous-mêmes », répondent 56 %.
Pire encore ? Pour 18 % des participants, la société est consciente mais les moyens ne sont pour autant pas déployés.
Au final, les professionnels de santé se sentent abandonnés par une société qui n’entend pas leur mal-être. Ce phénomène est d’autant plus critique les jeunes sont particulièrement nombreux dans le sondage. C’est ce que remarque, pour conclure, Grégoire Pigné : « cette surreprésentation des “jeunes professionnels de santé” n’incite pas à voir l’avenir d’un regard serein. De fait, leur moral actuel présage de difficultés fortes pour le système de santé ».
Un sondage auto-administré auprès d’une communauté de 130 000 professionnels de santé
Pour réaliser le 1er baromètre sur le moral des professionnels de santé et des étudiants en santé, 360 medics a bénéficié d’un vivier massif de répondants potentiels. Auto-administré, ce sondage a été réalisé sur le web, durant près d’un mois, du 28 septembre au 6 novembre 2017. 8 789 réponses d’utilisateurs ayant intégralement complété le questionnaire ont été prises en compte.
Parmi ceux-ci, 81 % sont des professionnels en exercice (internes inclus). Les 19 % restants sont encore étudiants (externes, IFSI…).
Avec 59 % des réponses, les infirmiers sont majoritairement représentés. Cette surreprésentation est en réalité équivalente à la proportion du corps infirmier dans la population médicale. Viennent ensuite les médecins (20 %). Les aide-soignant(s) représentent 7 % des répondants, contre 3 % pour les pharmaciens, 2 % pour les sages-femmes, 1 % pour les masseurs-kinésithérapeutes. Les 8 % que représentent les autres professionnels de santé sont composés de professions diverses telles que des opticiens, manipulateurs radio ou ergothérapeutes par exemple.
Les professionnels en structures publiques (telles que les hôpitaux) ont répondu à 65 %, suivis par ceux exerçant en structure privée. Enfin, les libéraux représentent 14 % des répondants.
Le score moral s’appuie sur 7 des 9 questions posées. Pour les professionnels de santé en exercice, le score global est établi en additionnant celui de chaque famille de professionnels pondéré par le poids de la famille au sein de l’ensemble des professionnels de santé (ex : le score des médecins correspond à 18,74 % du score global, les 219 834 médecins représentant 18,74 % des 1 175 340 professionnels de santé exerçant en France). En ce qui concerne les étudiants en santé, le score de leur moral correspond à un calcul direct des réponses aux 7 questions retenues.
A propos de l'auteur
Laurent Mignon
De la défense des vignobles français sur les marchés export à la e-santé, en passant par la différenciation des molécules et la valorisation de la recherche médicale et biomédicale ou la mise en perspective de l’esprit scientifique et l’image des entreprises et de leurs porte-parole, un seul but : créer du lien entre les acteurs d’un même domaine. Sa méthode : « l’immersion ». Comprendre les enjeux, apporter de nouvelles idées et méthodes, être créatif mais aussi savoir dire non et aiguiller sur d’autres approches font son quotidien.