COMMUNIQUE DE PRESSE
Les femmes ont toujours constitué une part importante du personnel du laboratoire Curie de l’Institut du Radium, que Marie Curie fut la première à diriger, et autour duquel s’articule le Musée Curie aujourd’hui. De plus, l’Institut Curie est, depuis longtemps, un modèle de parité respectée avec la présence, tout métier confondu, de près de 60% de femmes parmi les salariés de son centre de recherche.
Il était donc impensable de ne pas rendre hommage à Marie Curie ainsi qu’à toutes celles qui ont œuvré dans ce laboratoire depuis 1914, à l’occasion de la Journée internationale de la Femme (8 mars). Pour cela, le Musée organise non pas une mais deux après-midis d’animations – visites, conférences – ouvertes au grand public pour le sensibiliser à des thématiques peu connues.
Les femmes dans les sciences aujourd’hui : à mi-chemin entre parité et discrimination
Parmi les rendez-vous proposés par le Musée Curie, le moment fort à ne pas manquer est certainement la conférence-discussion du samedi 9 mars sur l’évolution de la place des femmes dans les sciences depuis l’époque de Marie Curie, en présence de trois intervenantes prestigieuses.
Pour Natalie Pigeard, la première, en tant qu’historienne au Musée Curie et spécialiste de l’Histoire des Femmes en sciences, “si certains domaines scientifiques, comme la médecine ou la biologie, apparaissent aujourd’hui comme féminisés, ils le sont souvent uniquement de façon quantitative, les postes de direction leur sont encore minoritairement accessibles”.
Pour la deuxième intervenante Hélène Langevin, Directrice de recherche émérite au CNRS, cela dépend également beaucoup de l’état dans lequel se trouve la recherche scientifique et la conception qu’on en a : “Quand la recherche est dans une dynamique positive, les femmes sont beaucoup moins discriminées, comme cela fut le cas pour moi dans les années 1960, quand l’Etat a fortement soutenu les sciences”. De plus, elle met en lumière la caractéristique intrinsèque du secteur de la recherche dans les pays anglo-saxon : “Leur tradition d’hyper-compétitivité et de rentabilité entre les scientifiques eux-mêmes est très défavorable aux femmes“.
Aujourd’hui, les femmes ont ”une place d’égal avec les hommes, ni plus, ni moins qu’eux, sans pour autant être encore totalement reconnue. Il y a eu des efforts quantitatifs faits, à coup de mesures et de décisions volontaristes, mais pas encore au niveau qualitatif” affirme Marie Dutreix, la troisième intervenante de la conférence en sa qualité de Directrice de recherche au CNRS. La preuve en est l’arbitrage que les femmes scientifiques doivent faire entre leur vie privée et leur carrière professionnelle : “La place de la femme dans les sciences se fait de plus en plus au détriment de la vie privée” selon, Natalie Pigeard.
Histoires de femmes scientifiques : témoignage de leur descendance
Pour illustrer cette évolution depuis un siècle de la place réservée aux femmes dans les sciences, les intervenantes s’appuieront sur leur histoire et celle des femmes de leur famille qui les ont précédées : de Marie Curie, physicienne du début du XXe siècle, à Irène Joliot-Curie, physicienne de la première moitié du XXe siècle à Andrée Dutreix, physicienne médicale de la seconde moitié du XXe siècle.
Hélène Langevin est la fille d’Irène Joliot-Curie et la petite-fille de Marie Curie : “Je ressens beaucoup de fierté pour la personnalité hors du commun de ma grand-mère. Elle représente un exemple pour les femmes”. Il est vrai que Marie Curie, en tant que première femme de l’Histoire à avoir reçu un prix Nobel, est un cas exceptionnel. Toutefois, si elle a réussi à percer dans le milieu scientifique, selon Hélène Langevin, “c’est, bien sûr, grâce à sa personnalité, son caractère. Mais c’est aussi principalement grâce à son mari Pierre Curie qui, au lieu de la considérer comme une petite aide, n’a jamais hésité à la mettre en avant. Il est allé jusqu’à écrire au Comité du Prix Nobel pour que Marie Curie se voit décerné le Nobel de physique au même titre d’Henri Becquerel et slotsies lui-même”.
L’influence des hommes sur la carrière scientifique des femmes semble en effet avoir été un catalyseur indispensable, comme le prouve le témoignage de Marie Dutreix : “Ma mère, Andrée Dutreix, a créé le premier poste de physicien médical à l’Institut Curie, avant de diriger le département de physique médical de l’Hôpital Gustave-Roussy. Elle a réussi à s’imposer dans le milieu scientifique grâce à sa forte personnalité mais aussi grâce au soutien de mon père qui dirigeait le département de radiothérapie”.
La Journée de la Femme, une opportunité pour rappeler les enjeux
Malgré cela, Natalie Pigeard avertit : “Il est important de comprendre que l’Histoire n’est pas linéaire. Il y a eu beaucoup d’aller-retour dans la reconnaissance et l’insertion professionnelle des femmes en sciences, et ce qui est acquis aujourd’hui ne l’est pas définitivement”. Il faut donc rester vigilant et ne pas considérer que l’égalité est établie
Alors à quel point des événements comme la Journée de la Femme peuvent-ils être utiles et efficaces ? Pour Marie Dutreix, cela “permet de rappeler qu’il y a beaucoup de femmes engagées depuis longtemps dans les progrès de nos sociétés, et de les mettre en lumière”. Pour Natalie Pigeard, “C’est un événement qui crée effectivement des occasions d’échanger sur les problématiques des femmes en général. Mais il faut faire attention à ne pas tomber dans l’inégalité inverse en favorisant les femmes davantage que les hommes”.
La complexité du sujet et le symbole de réussite de femmes comme Marie Curie, Irène Joliot-Curie et Andrée Dutreix sont en tout cas des gages de la grande richesse des échanges et des découvertes qui seront au rendez-vous pendant ces deux jours au Musée Curie.
Programme
“Les femmes du laboratoire Curie”, visite-conférence par Adrien Klapisz, chargé des collections au Musée Curie, 15h, vendredi 8 mars
“Marie Curie et Irène Joliot-Curie : parcours de deux Prix Nobel”, conférence par Renaud Huynh, directeur du Musée Curie, 14h, samedi 9 mars
“Quelle évolution de la place des femmes dans les sciences depuis Marie Curie ?”, conférence-discussion avec l’intervention de Marie Dutreix (Directrice de recherche au CNRS), Hélène Langevin (Directrice de recherche émérite au CNRS) et Natalie Pigeard (Historienne au Musée Curie), 15h, samedi 9 mars
A propos de l'auteur
Emmanuelle Klein
Surfant sur le petit monde des relations presse depuis plus de 20 ans, c’est en poussant les portes des rédactions des médias chauds qu’elle s’est forgée son expertise. Gastronomie, sport, recherche fondamentale peu importe le flacon… elle a compris que les contraintes des médias étaient les siennes et aime particulièrement relever des défis de n’importe quelle nouvelle interrogation.