« Armoire Benten » par Nicolas Desbons |
Du 15 au 30 septembre prochain, au cœur de l’église Saint-Louis de la Salpêtrière se tiendra la 5e édition de la Biennale de la Création des Arts décoratifs, dévoilant le patrimoine des Arts décoratifs de demain. Un événement d’autant plus notable qu’il se déroule dans un lieu consacré et multi centenaire. Pourtant la démarche qui anime les créateurs présents durant ces deux semaines n’est pas aussi simple. L’idée de travailler aujourd’hui pour demain est-elle issue d’une volonté, d’une nécessité ou simplement d’une recherche de reconnaissance ultérieure ?… Retour sur ces points de réflexion en quelques questions à Nicolas Desbons, créateur à Montreuil.
Les Arts décoratifs sont symbolisés par des artisans, des ébénistes, des créateurs d’exception qui, au fil du temps et pour différents rois ou commanditaires, ont conçu et réalisé des pièces d’exception, inscrites aujourd’hui dans l’histoire. Vous sentez-vous héritier de cette tradition d’excellence ?
Je ne sais pas si l’on peut dire “héritier”, mais je m’en sens partie prenante, cela est certain. Dans la mesure où les outils changent, où de nouvelles matières apparaissent, où des techniques naissent et évoluent, la création dans le domaine des Arts décoratifs est à la fois “spontanée” et “inscrite dans un patrimoine”. Nous sommes les héritiers de nos prédécesseurs car nous apportons le même respect aux matériaux et que notre souci du travail “bien fait” est le même. En même temps, nous nous en démarquons car nous sommes en accord avec notre époque et ses évolutions.
Comment concevez-vous vos œuvres dans cette logique duale de patrimoine et de modernisme ?
Plus que le terme de dualité, je préfère parler d’enrichissement. Ainsi et dans le plus pur esprit des Arts décoratifs de la grande époque, l’usage de différents matériaux (bois, verre, métaux…), la complexité à les mêler et les lier en un ensemble cohérent apporte à chaque création une nature particulière, une richesse qui ne tient qu’à elle.
Comment vous inscrivez-vous dans une idée de patrimoine vivant et en construction ?
Il n’est pas évident de savoir si mes créations, ou plus largement les créations actuelles, s’inscrivent dans le patrimoine de demain. Nous manquons de recul sur nous même. C’est alors davantage dans notre démarche que nous pouvons retrouver cette idée de patrimoine en construction, plutôt que dans les œuvres que nous créons. En effet, la plupart d’entre nous souhaitons également transmettre notre savoir et notre savoir-faire. Il est donc naturel que nous ayons des stagiaires et apprentis qui fréquentent régulièrement nos ateliers.
Pour la prochaine édition de la Biennale de la Création des Arts décoratifs, vous présentez “Benten”, une armoire. En quoi ce concept répond à votre démarche ?
Je voulais faire un meuble un peu dans l’esprit d’un “chef d’œuvre”, au sens compagnon du terme. C’est-à-dire un meuble qui regroupe plusieurs matériaux différents et qui soit le plus abouti possible. Je ne voulais pas faire un meuble trop simple comme une table ou une chaise. Et n’ayant jamais fait d’armoire, je me suis reporté sur cette idée, un peu dans l’esprit des très beaux meubles du 19ème siècle.
Je l’ai réellement conçue et réalisée dans cette optique-là, avec un métal le plus abouti possible tout en restant sobre. De plus, à travers “Benten”, j’ai pu travailler avec des artisans d’exception qui ont participé à sa réalisation, à savoir un ébéniste et un ami verrier avec qui nous avons réalisé les pâtes de verre qui constituent les yeux de l’armoire. Nous avons donc constitué un atelier “sur-mesure” tel qu’il a pu en exister lors de la grande époque des Arts décoratifs.
De plus, au-delà de cette démarche, “Benten” représente énormément pour moi. Cela a été un vrai cheminement : pour la première fois dans ma carrière, j’ai pu prendre plus de 2 mois pour faire une pièce et me consacrer uniquement à “Benten” pendant tout ce temps. C’est une chose réellement marquante. Concevoir et réaliser un meuble n’est pas facile, cela vous enferme et vous mange petit à petit… A un moment donné, c’est comme lors des révisions pour un examen, on ne comprend plus rien, on peut se sentir perdu. Mais quand arrive enfin le terme, l’œuvre existe réellement et une forme de libération apparaît.
A propos de l'auteur
Emmanuelle Klein
Surfant sur le petit monde des relations presse depuis plus de 20 ans, c’est en poussant les portes des rédactions des médias chauds qu’elle s’est forgée son expertise. Gastronomie, sport, recherche fondamentale peu importe le flacon… elle a compris que les contraintes des médias étaient les siennes et aime particulièrement relever des défis de n’importe quelle nouvelle interrogation.