La France est souvent qualifiée de territoire « gaulois », chauvin, et qui a du mal à accepter et accueillir d’autres marques chez lui, même quand ces marques partagent une frontière commune.
En effet, il existe une réelle différence entre la culture de marque française et sa voisine teutonne. La marque allemande la plus évidente, et que nous prendrons en exemple ici est Volkswagen.
Elle apparaît avant la Seconde Guerre Mondiale, en 1938, et a pour objectif initial de doter l’Allemagne d’une flotte de voitures fabriquées en masse pour circuler sur le tout nouveau réseau autoroutier. 70 ans plus tard, Volkswagen est devenu un groupe composé de 12 marques (notamment Volkswagen, Audi, Seat, Ducati, Bentley, Porsche…) et qui aspire encore à s’agrandir. Le nouveau positionnement qu’elle affectionne, depuis quelques années, est celui de l’environnement (à ce propos, on peut faire un petit clin d’oeil à cette publicité de 2011, et la communauté de hérissons en adoration devant le logo VW), mais aussi le respect de l’humain et la qualité des produits. En effet, la signature de la marque ne s’invente pas : « Das Auto« , ou « La voiture » en français, qui porte l’idée selon laquelle les voitures Volkswagen regroupent tout ce que recherche le public en termes de qualité et de fiabilité.
Volkswagen est arrivé en France en 1960 et il est intéressant de se demander comment cette marque a réussi à séduire le public français, et à devenir partie prenante du paysage automobile de notre pays ? En effet, pour une grande partie d’entre nous, une voiture reste une voiture, mais il y a bel et bien une distinction entre la stratégie d’une marque allemande et celle d’une marque française.
En France, nous sommes adeptes du story telling, c’est-à-dire l’application de procédés narratifs dans la technique de communication pour renforcer l’adhésion du public au fond du discours. Christian Salmon a étudié cette technique dans son ouvrage « La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits« et la qualifie de « hold-up sur l’imagination des humains par les gourous du marketing et de la communication« . Les consommateurs français sont donc plus réceptifs aux belles histoires, au côté affectif et émotionnel qu’elles stimulent en nous, sans vraiment chercher à savoir si les histoires sont vraies et tangibles. C’est l’activation de l’émotion pour atteindre la raison.
En Allemagne, en revanche, les stratégies de marque se basent sur le brand building pour développer leurs marques avec succès. On préfère raconter de vraies histoires, basées sur des éléments tangibles, et sur des valeurs fortes comme l’innovation, la responsabilité, la qualité, sans faire des promesses trop ambitieuses. Le principe est de faire, de refaire, toujours mieux, et de progresser. Dans le cas de Volkswagen, les réseaux sociaux sont un levier annexe, qui est venu tardivement dans leur stratégie.
Alors, en quoi consiste concrètement le brand building ? Tout d’abord, on peut le définir comme une logique de campagne publicitaire qui répond principalement à des objectifs de notoriété ou d’image sans forcément rechercher des retombées immédiates. Le but recherché est davantage la notoriété, la mémorisation et la fidélisation de la marque. Cette stratégie se base sur plusieurs facteurs de construction.
Tout d’abord la qualité des produits d’une marque, qui doit répondre aux attentes principales des consommateurs.
Le positionnement est une deuxième étape à ne pas négliger, à savoir identifier une position claire et si possible novatrice pour la marque sur son marché et dans l’esprit du public. Cela passe par le nom de la marque, son image, le packaging de ses produits, ou encore les garanties autour de ses produits et services.
Le repositionnement vient ensuite quand une marque souhaite évoluer en même temps que les goûts et attentes de ses consommateurs, quand elle est jugée trop vieille ou que son marché initial a décliné.
La communication est un quatrième facteur crucial pour le brand building, pour stimuler les perceptions qu’entretiennent les consommateurs face à la marque. Par une bonne communication, on obtient une bonne crédibilité.
Un autre élément à ne pas oublier est l’avantage du premier entrant (« first-mover » en anglais), à savoir la marque qui réussit la première à investir un nouveau marché : elle dispose d’une fenêtre d’opportunité pour imposer son positionnement dans l’esprit des consommateurs avant que les concurrents n’investissent à leur tour le marché.
La prise en compte du long terme est aussi un élément crucial du brand building : en effet, générer de la notoriété et de la loyauté chez les consommateurs prend du temps, c’est pourquoi une marque doit investir sur le long terme, parfois au détriment des bénéfices de court terme.
Enfin, le marketing interne d’une entreprise ne doit pas être négligé, et les valeurs et le positionnement de la marque doivent être compris et incarnés par l’ensemble de l’entreprise.
La question qui se pose est : avec le temps et la pénétration des groupes internationaux dans le territoire français, la culture de marque française va-t-elle évoluer vers de nouveaux principes, de nouvelles valeurs et modes de fonctionnement ? Va-t-on voir apparaître un brand building à la française ?
A propos de l'auteur
Emmanuelle Klein
Surfant sur le petit monde des relations presse depuis plus de 20 ans, c’est en poussant les portes des rédactions des médias chauds qu’elle s’est forgée son expertise. Gastronomie, sport, recherche fondamentale peu importe le flacon… elle a compris que les contraintes des médias étaient les siennes et aime particulièrement relever des défis de n’importe quelle nouvelle interrogation.