Nombreux sont les points de vue qui appellent à une rémunération de l’individu pour son « travail numérique » (aka son activité en ligne qui produit des données personnelles).
En février dernier justement, le collectif (Im)Patients Chroniques & Associés, en partenariat avec la Chaire Réseaux Sociaux et Objets Connectés à Institut Mines-Télécom Business School, publiait une étude sur l’ « Impact des nouvelles technologies sur la santé et la qualité de vie des personnes vivant avec une maladie chronique ». L’occasion, pour le collectif, d’appeler à une réflexion sur les bénéfices engendrés par le traitement des données de santé.
LauMa fait le point sur ce sujet.
Les données de santé, de quoi parle-ton ?
Une donnée personnelle est « Toute information identifiant directement ou indirectement une personne physique (ex. nom, n° d’immatriculation, de téléphone, photographie, date de naissance, commune de résidence, empreinte digitale…) » (dixit le RGPD lui-même).
Les données de santé sont quant à elles les données personnelles liées à la santé. Leur production est donc continue : chaque individu crée de nouvelles données par ses remboursements médicaux, par son usage d’application ou d’objet connecté, par ses messages sur les forums… Or, juridiquement, ces données sont considérées comme sensibles.
Qui est propriétaire des données ?
Mémento pour ceux qui n’ont jamais suivi de cours de droit : la propriété se décompose traditionnellement en trois parts, l’usus (le droit d’user de la chose), l’abusus (le droit de disposer de la chose) et le fructus (le droit de jouir de la chose en récoltant ses fruits).
Si les batailles de juristes font rage, il se trouve que selon la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, les données de santé sont indisponibles. Ceux qui les produisent ne peuvent donc pas les vendre. Ils peuvent en revanche contrôler leur utilisation. L’article 1 de ladite loi dispose donc que « Toute personne dispose du droit de décider et de contrôler les usages qui sont faits des données à caractère personnel la concernant, dans les conditions fixées par la présente loi ».
À noter qu’aux États-Unis par exemple, l’achat des données est légal. C’est par exemple le concept de la plateforme Embleema, à travers une blockchain privée via laquelle des patients cèdent des informations anonymisées contre des crypto-jetons.
La data est-elle de l’or ?
Prises une à une, les données sont sans valeur (en effet, il semble peu probable que quiconque soit prêt à payer pour connaître votre date d’anniversaire, même si c’est pour vous envoyer une réduction pour un objet connecté dernier cri le jour J). C’est parce qu’elles sont massives – et qu’elles peuvent être traitées grâce à des moyens suffisants – que les données ont de la valeur. Au-delà de l’aspect économique, en santé en particulier, les données « en vie réelle » représentent une manne pour accélérer la R&D notamment. C’est à ce titre qu’en France, certaines bases de données sont ainsi disponibles gratuitement.
Excluant le fait que dans une vente, la rémunération est la contrepartie d’une cession (ce qui est donc juridiquement impossible pour des données de santé), quels seraient les autres aspects de cette vente ?
D’aucuns soulignent l’asymétrie des rapports de force : comment penser qu’un contrat passé entre un GAFAM et un particulier puisse être juste ? La puissance des exploitants de données génèrerait selon eux des cessions impératives, à des prix dérisoires qui plus est.
D’autres envisagent la question sous l’angle de la vie privée et s’inquiètent pour la sécurité et la confidentialité de ces données. Dépossédé d’une donnée dont il n’a néanmoins jamais été propriétaire, l’internaute perdrait des droits, parmi lesquels le droit au secret, sur ses informations personnelles.
Vendre non. Rétribuer oui ?
Certains envisagent donc un « revenu universel du numérique » à travers une fiscalité à l’échelle étatique.
D’autres, et c’est la position du collectif (Im)Patients Chroniques et Associés, plaident pour une rétribution des patients, passant par l’inclusion de leurs représentants autour de la table des négociations. Loin de la philosophie sur la rémunération d’un travail numérique réalisé par l’internaute, il s’agit ici de répartir, au sein du microcosme de la santé, la valeur.
Si le débat est loin d’être clos et que le législateur conserve aujourd’hui un certain équilibre, nul doute que la question se fera de plus en plus pressante.
Pour en savoir plus sur l’enquête ICA : cliquez ici.
A propos de l'auteur
Laurent Mignon
De la défense des vignobles français sur les marchés export à la e-santé, en passant par la différenciation des molécules et la valorisation de la recherche médicale et biomédicale ou la mise en perspective de l’esprit scientifique et l’image des entreprises et de leurs porte-parole, un seul but : créer du lien entre les acteurs d’un même domaine. Sa méthode : « l’immersion ». Comprendre les enjeux, apporter de nouvelles idées et méthodes, être créatif mais aussi savoir dire non et aiguiller sur d’autres approches font son quotidien.