Après une timide hausse de l’Indice de confiance numérique & santé en 2013 par rapport à l’année 2012 (4,72 / 10 à deux ans en 2012 vs 4,80 en 2013 ; 6,40 / 10 à cinq ans vs 6,43 / 10 pourles mêmes années), la nouvelle édition de ce baromètre dessine un paysage morose voire déprimé de la e-santé en France, avec une confiance qui recule globalement de 2 points à 2 ans pour atteindre la note de 4,70 / 10 en 2014 et de 3 points à 5 ans (6,24 / 10). “Le plus frappant dans cette tendance globale à la baisse, c’est la disparité de vision entre les différents acteurs” souligne Sandrine Degos, Fondatrice du Cercle des Décideurs Numérique & Santé et Présidente de Care Insight.
Ainsi, si les représentants des collectivités territoriales et les élus font preuve d’un bel optimisme (leur niveau de confiance à 5 ans augmentant de 12 % entre 2013 et 2014), la confiance des professionnels de santé s’enfonce de 10 %. Avec 20 points d’écart entre ces deux familles d’acteurs, les divergences de vision n’ont jamais été aussi grandes.
La confidentialité des données, un enjeu majeur
Pas de e-santé sans infrastructures : Très Haut Débit, Cloud Computing, Confidentialité des données… Cependant, à horizon 2 ans, l’indicateur global marque un net recul par rapport à l’an dernier avec une baisse de 8 points, le positionnant donc à 4,79 / 10. A plus long terme aussi, la confiance a du mal à se rétablir.
Le recul le plus marqué est celui de la confidentialité des données qui passe de 6,70 / 10 à deux ans en 2013 à 5,56 / 10 à deux ans en 2014. Est-ce l’effet des différentes annonces médiatiques des acteurs internationaux du net, les fameux “GAFA” (Google, Amazon, Facebook et Apple), du flop actuel de l’open data en santé ou de l’absence de communication lisible des autorités et institutions en ce domaine ? Pour Blandine Calcio Gaudino, Responsable du pôle Santé-Social Vieillissement à la Caisse des Dépôts, “Il est nécessaire, concernant la sécurisation et la confidentialité des données, de travailler dans un cadre de réflexion partagée. De plus, il faut se mobiliser sur les questions d’éthique et de liberté et préférer l’ « empowerment » à la « responsabilisation » des usagers”.
DMP, son avenir est-il entre les mains des patients ?
DMP, Hôpital numérique, Échanges de données, e-Prescription,… La baisse continue de la confiance dans le DMP plombe la performance de l’indicateur général “Production et coordination des soins” qui reste néanmoins stable (4,69 / 10 en 2013 vs 4,67 / 10 en 2014).
DMP 1, 2, … bientôt 3 ? La chute de confiance dans le DMP semble être un puits sans fond : 4,55 / 10 à 2 ans en 2012, 4,23 / 10 en 2013, 4,16 / 10 en 2014. Non seulement, il n’a jamais passé la moyenne au global, mais auprès des professionnels de santé, il est passé cette année sous la barre des 4 / 10 à 2 ans.
Le mot d’ordre de la CNAM, nouveau porteur du DMP, sera-t-il “Patients, emparez-vous de votre DMP !” ? Cela se pourrait bien d’autant plus que les représentants des associations de patients sondés attribuent une note de confiance de 5,21 / 10 à 2 ans pour sa diffusion et de 6,46 / 10 à 5 ans.
Télémédecine, sous le soleil de la e-santé
La télémédecine à la française est-elle enfin mature et sortira-t-elle prochainement des champs de l’expérimentation pour se développer sur le terrain ? L’indicateur global ne subit en tous les cas pas de défiance. Ainsi, que ce soit à 2 ans ou 5 ans, le niveau de confiance se maintient et même progresse à court terme : 5,02 / 10 à 2 ans en 2014 vs 4,98 / 10 en 2013 et 5,01 / 10 en 2011 ; 6,78 / 10 à 5 ans en 2014 vs 6,93 et 6,90 en 2013 et 2012.
A noter que les sous-indices “téléconsultation” et “téléexpertise” suivent une courbe croissante depuis la création du baromètre. Il ne manque plus que la généralisation de l’article 36 du Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2014 (rémunération des actes de télémédecine) pour passer à la réalité.
Pour Stéphane Routier, directeur du GCS E-santé Picardie : “La télémédecine bénéficie d’une appréciation plus positive, ce qui est une bonne nouvelle. Il s’agit d’un axe de développement prioritaire pour le GCS e-Santé Picardie. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a permis le lancement des expérimentations (…). Nous sommes certes toujours en attente des décrets d’application – le temps politique n’est pas celui des acteurs de terrain- mais force est de constater que ce sujet progresse”.
e-santé à domicile, l’avenir est chez les patients !
“L’avenir de l’e-santé est au domicile des Français !” tel est le cri entonné par l’ensemble des acteurs sondés. De fait, cet indicateur est le seul à marquer une progression positive cette année et à dépasser son score de 2012 pour s’établir à 5,29 / 10 sur à 2 ans (vs 5,26 / 10 en 2012 et 5,22 / 10 en 2013).
Dans le contexte actuel qui voit l’arrivée de nombreux objets connectés (auto-tensiomètres, balances, glucomètres connectés, détecteurs de chute, piluliers, …) et de services connexes, tous les sous-indicateurs de cet indice connaissent la même progression. Ils flirtent même avec un quasi sans faute à 5 ans, les scores enregistrés étant respectivement de 6,94 / 10, 7,34 / 10 et 7,00 / 10 pour les “objets domestiques”, les “DM communicants” ou les “gérontechnologies”.
Pour Blandine Calcio Gaudino : “Les objets connectés de santé et leur dynamique actuelle sont une formidable opportunité pour l’e-Santé. Néanmoins, ils doivent être intégrés dans une approche globale structurante et sans jamais oublier que ce n’est pas la technologie en elle-même qui compte mais son objectif final, son apport en santé”.
Médias sociaux en santé, tout reste à faire
Que ce soit en 2012, 2013 ou cette année, cet indicateur n’a jamais dépassé la moyenne des 5 / 10 à 2 ans (4,63 / 10 pour cette édition) et peine à la dépasser nettement à 5 ans (5,97 / 10 en 2014).
Pour Carole Avril, Directrice de la Fédération Française des Diabétiques : “Même si les représentants des associations ont le taux de confiance le plus élevé en ce domaine, il faut noter que les bénévoles au sein de nos associations ont encore des inquiétudes. De fait, ils ne perçoivent pas l’apport du numérique dans leurs actions de proximité, certains ont encore peur d’une possible déshumanisation…”.
La e-santé, une filière d’avenir pour la France ?
Alors que le plan « Santé numérique » ambitionne de transformer la France en « leader européen”, l’indicateur ”Création de valeur” installe le doute avec un score de 3,82 / 10 à 2 ans et en flottant sur la moyenne à 5 ans (5,05 / 10).
Seule la capacité à créer des champions internationaux retrouve son niveau de confiance de 2013 avec un score de 3,70 / 10 à 2 ans et de 4,72 à 5 ans. Les représentants des collectivités territoriales et les élus sont quant à eux les plus optimistes en termes de création de valeur avec des notes de confiance de 4,97 / 10 à 2 ans et de 6,27 / 10 à 5 ans.
Indice de confiance numérique & santé, la plus forte hausse et les plus fortes baisses (notes sur 10) !
En hausse (2014 vs 2013 ) :
• Indice e-santé à domicile à 2 ans : 5,29 vs 5,22
En baisse (2014 vs 2013 ) :
• Indice Infrastructures à 2 ans : 4,79 vs 5,22
• Indice Médias sociaux en santé à 5 ans : 5,97 vs 6,8
• Indice Création de valeur éco à 5 ans : 5,04 vs 5,24
Méthodologie
L’indice de confiance numérique & santé est réalisé sur la base d’un sondage auto-administré sur le web, auprès d’un panel d’acteurs de santé et d’experts de la e-santé.
Défini par des membres du Cercle des Décideurs Numérique & Santé, avec l’expertise de représentants du Ministère des affaires sociales et de la santé, de l’ASIP Santé et d’autres institutions, il se constitue d’une question filtre et de 20 sous-indices répartis au sein de 6 indicateurs (Infrastructures • Production et coordination des soins • Télémédecine • e-santé à domicile • Médias sociaux en santé • Création de valeur économique & industrielle).
La moyenne de ces sous-indices correspond à l’Indice de confiance numérique & santé à 2 ans ou à 5 ans. Chaque question est répétée sur ces 2 périodes. Ex : Quelle confiance avezvous dans le déploiement du Très Haut Débit pour des usages en santé (couverture à 80% du territoire y compris zones rurales) ? À horizon 2 ans (note de 1 à 10). À horizon 5 ans (note de 1 à 10). Les notes de confiance sont attribuées sur 10, et les variations annuelles exprimées en point (1 point = 1 %).
L’édition 2014 du sondage a été administrée du 24 juin au 19 septembre et a enregistré 658 participations. Parmi celles-ci, 636 ont répondu positivement à la 1ère question filtre (Pensezvous que la esanté peut contribuer à l’amélioration de la santé des Français ?) et ont donc pu poursuivre le sondage. L’indice de confiance numérique & santé 2014 représente donc la moyenne des notes attribuées par ces 636 répondants.
A propos de l'auteur
Laurent Mignon
De la défense des vignobles français sur les marchés export à la e-santé, en passant par la différenciation des molécules et la valorisation de la recherche médicale et biomédicale ou la mise en perspective de l’esprit scientifique et l’image des entreprises et de leurs porte-parole, un seul but : créer du lien entre les acteurs d’un même domaine. Sa méthode : « l’immersion ». Comprendre les enjeux, apporter de nouvelles idées et méthodes, être créatif mais aussi savoir dire non et aiguiller sur d’autres approches font son quotidien.