L’hôpital est un lieu public de prise en charge des personnes malades. Avant qu’il existe, la maladie demeurait dans la sphère privée, dissimulée du public au sein des maisons. L’idée de sortir le soin de la sphère privée apparaît au 6e siècle, et fait de l’hôpital une institution étroitement liée à la religion. L’enjeu devient politique et social à la Renaissance avec la prise en charge des personnes pauvres. Enfin, au 20e siècle, l’hôpital concentre des enjeux sanitaires, scientifiques et d’accès à tous. Aujourd’hui, en particulier après la réforme de la loi HPST, il convient de se demander si l’hôpital n’est pas en train de devenir une marque, à l’image des marques marchandes, parfaits symboles de notre ère consumériste.
Les marques, des repères mentaux qui rassurent
Contrairement à l’hôpital, les marques ne commencent à apparaître qu’à partir du 16e siècle, et se développent réellement au cours du 19e siècle en parallèle de la révolution industrielle. Le principe initial de marquer un produit répond au besoin d’affirmer la propriété, comme cela se pratique encore avec le bétail. Pourtant, avec l’intensification du commerce et de la concurrence, les vendeurs vont chercher à se faire connaître et être assimilé à la qualité de leurs produits, en créant une marque sous laquelle ils regroupent tous leurs produits. Ils misent sur la réputation grâce à l’identification d’un nom unique pour devenir plus compétitifs.
Une marque fonctionne comme un repère mental pour le public qui l’associe au produit ou au service qu’elle vend. Les gens s’identifient à une marque grâce aux valeurs qu’elle porte, comme la confiance, la qualité, la sécurité ; autant de valeurs qui peuvent être aisément transposées à l’hôpital et au soin médical.
La construction d’une marque nécessite donc un point clé : la réputation sur laquelle elle peut miser. Et même quand une marque ne vend rien (on parle alors de “marque non-marchande”) comme c’est le cas des universités ou des hôpitaux, il est indispensable qu’elle soit attractive, rassurante et qu’elle attire les soutiens. Car une fois qu’une réputation s’est ancrée dans l’opinion, il est difficile de la démonter.
L’hôpital faisant partie du domaine du non-choix, qui suppose que les gens peuvent difficilement choisir où ils vont se faire soigner, il a besoin d’attirer des soutiens comme des médecins, des chercheurs, des fonds, des prestataires et enfin les patients eux-mêmes pour espérer renforcer sa réputation. Ainsi que d’améliorer la qualité des soins dispensés ou encore de développer certaines spécialités médicales qui distingueront l’hôpital des autres établissements ; c’est par exemple le cas du CHU de Strasbourg en chirurgie robotisée, ou de l’hôpital Necker en pédiatrie. Et comme pour toute marque qui se respecte vis-à-vis de ses clients, il est indispensable qu’un hôpital respecte le contrat qui le lie à ses patients, en privilégiant une bonne qualité relationnelle. Donner la parole aux patients est d’ailleurs une solution pour diffuser le message selon lequel un établissement hospitalier mérite une bonne réputation.
Universités, les nouvelles marques brandées
Alors la question reste posée : l’hôpital de demain doit-il suivre les méthodes de branding et de bonnes pratiques réservées jusqu’à présent aux marques ?
Il est tout d’abord intéressant de comparer les universités aux hôpitaux. Si les universités cherchent depuis quelques années à devenir des marques, c’est dans le contexte d’augmentation de la compétition internationale des savoirs avec le passage à l’autonomie des universités et la recherche de nouveaux financements. Cette logique a fait sa place petit à petit dans le monde de l’enseignement supérieur, au point de ne plus soulever l’indignation comme avant. Le signe le plus visible de l’émergence des marques universitaires, à côté de la recherche de financements, c’est le nom des établissements, modernisés, simplifiés et plus percutants. Comme l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris 6) qui a adopté le signe UPMC plus identifiable.
L’hôpital de demain est donc très probablement amené à suivre la voie des universités.
Les bonnes pratiques du branding appliquées à l’hôpital
Comment cette nouvelle logique va-t-elle se concrétiser ?
Appliquer les bonnes pratiques des marques aux hôpitaux passe donc par l’amélioration de la notoriété d’un hôpital, chose assez aisée en principe quand on prend conscience que c’est un lieu où sont sauvées des vies. Il existe de nombreux outils gratuits, comme Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux, qui permettent de mesurer l’e-réputation d’un établissement, à savoir “qu’est-ce que les gens disent sur le net ?”.
La meilleure publicité possible reste néanmoins celle qui émane des patients, suivant un processus long mais irréversible. C’est pourquoi il est crucial de donner la parole aux patients. Pour cela, la direction d’un hôpital doit réussir à changer la relation avec le public et à l’impliquer. Il doit également changer la relation entre les services internes de son établissement, pour renforcer la cohésion qui existe entre eux. Tous les services d’un hôpital ne peuvent pas faire l’objet d’une communication spécifique, au profit d’autres services plus emblématiques sur lesquels l’établissement souhaite miser ; il faut donc que tout le monde comprenne que ce choix stratégique de communication bénéficie à l’ensemble de l’établissement.
Comme pour les marques, le principe à suivre est simple : répéter inlassablement un élément précis, un message simple et compréhensible par un public large et qui s’installera durablement dans leur esprit. Être connu et reconnu, c’est le but ultime d’une bonne réputation.
En résumé, les facteurs clé du succès d’une bonne communication sont les médecins, les patients et les services internes. Mais faire appel aux médias est une garantie supplémentaire d’une communication complète. En invitant régulièrement les journalistes dans une démarche proactive et en leur fournissant du contenu sur l’actualité positive et remarquable de l’hôpital, on a plus de chance d’éviter qu’ils se saisissent automatiquement de sujets polémiques et qu’ils ternissent l’image de l’établissement.
A bon entendeur.
A propos de l'auteur
Emmanuelle Klein
Surfant sur le petit monde des relations presse depuis plus de 20 ans, c’est en poussant les portes des rédactions des médias chauds qu’elle s’est forgée son expertise. Gastronomie, sport, recherche fondamentale peu importe le flacon… elle a compris que les contraintes des médias étaient les siennes et aime particulièrement relever des défis de n’importe quelle nouvelle interrogation.